SWQW (FR)
« Tout ce mélange, c’était le fleuve des destinées accomplies, c’était la musique de la vie. » (Hermann Hesse, Siddhartha)
Cela pourrait en effet s’apparenter au cours d’un fleuve, la musique d’Illuha. Un fleuve chargé de vie, paisible et faussement monotone, que ceux qui le traversent hâtivement pourraient ne pas saisir, alors que son écoute attentive et patiente révèlerait sa nature et sa beauté.
Ce troisième album du duo tokyoïte, composé de Corey Fuller et Tomoyoshi Date, fait suite au live Interstices, publié l’année dernière chez 12k, et à Shikuzu sorti en 2011. Deux albums empreints d’une élégance rare, avec cette faculté de stopper le temps à chaque écoute. Akari est sorti il y a quelques semaines, toujours chez 12k, et ne déroge pas à l’excellence à laquelle ils nous avaient habitués.
La grande variété de sources sonores utilisées dans cet album n’est pas forcément ce qui importe le plus, mais plutôt l’harmonie qui se dégage de ce microcosme luxuriant. Chaque nouvelle sonorité semble en effet s’immiscer naturellement dans les compositions du duo, comme si elle y avait déjà sa place. Une harmonie qui se ressent aussi bien au regard des nombreux instruments acoustiques joués, que des field recordings qui peuplent cet univers foisonnant ou des diverses incursions électroniques. À ce niveau, impossible de ne pas mentionner les titres Diagrams of the Physical Interpretation of Resonance et The Relationship of Gravity to the Persistence of Sound, qui atteignent une splendeur désarmante.
Les textures, diluées dans cette nature opulente et servant de ponts entre les différents éléments, semblent flotter, entre terre et ciel, à l’image des peintures de Samuel Estlin Fuller qui accompagnent l’objet. Statiques pour l’observateur et à contre-courant de toute inertie extérieure. C’est l’impression qui se dégage aussi à l’écoute de cet album, qui se dévoile avec une douce lenteur, et fait l’effet d’un havre de paix dans lequel on se réfugie comme dans une bulle, à mille lieux du vacarme extérieur.
Si le duo a toujours fait usage de l’électronique, celle-ci se fait plus présente ici, voire légèrement plus sombre par moments. L’atmosphère qui règne sur certains morceaux semble presque menaçante, notamment sur Vertical Staves of Line Drawings and Pointillism où des drones planent au-dessus de tous ces bruissement organiques, prévenant ces occupants d’une éventuelle menace à venir. Un danger qui ne prend réellement forme que lors du dernier morceau, Requiem for Relative Hyperbolas of Amplified and Decaying Waveforms, dans une tempête qui tente d’emporter cette tranquillité. Car Akari, c’est aussi la lumière en japonais, une lueur que les deux compositeurs se sont efforcés de maintenir tout au long de l’album, coûte que coûte, comme dans ce maelström final et magistral.
À chaque nouvelle écoute de Akari, on en découvre des détails qui nous auraient échappé – car ce disque en fourmille. On se replonge alors inlassablement dans ce véritable travail d’orfèvre, dans lequel on aimerait se perdre pour ne plus revenir.