Goute Mes Disques (FR)
C’est avec un certain plaisir qu’on retrouve ici un des labels les plus attachants de la musique dite expérimentale : 12k, et son amour éternel pour les musiques minimalistes et chaleureuses. Alors qu’on découvrait avec plaisir les albums de Giuseppe Ielasi (Aix) ou encore le magnat de l’ambient Lawrence English (A Colour For Autumn), il est temps de faire place à un autre petit crack du drone/ambient, le Polonais Tomasz Bednarczyk qui, avec Let’s Make Better Mistakes Tomorrow, nous signe là son troisième album après Summer Feelings et Painting Sky Together (originellement sorti sur Room40). Et vu qu’on change rarement une équipe qui gagne, Tomasz réinvestit le champ d’une musique étendue et passablement apaisée. Ici, l’idée d’extension est renforcée par le recours permanent aux drones détournés ainsi qu’aux guitares et pianos largement modifiés. Et comme à l’accoutumée, le drone (au sens strict du terme) est une affaire de nuances minimes, nuances infimes qui caractérisent à merveille les deux premiers titres de ce troisième opus. “While” et “Shimokita” traversent donc l’espace sans créer de troubles, paisibles et constants dans leurs ascensions. C’est beau, mais relativement convenu faut-il l’avouer.
La première secousse arrive avec “Drawing”, qui nous montre toute l’ampleur que peut prendre un grand titre d’ambient minimale, là où le simple tintement d’une cloche aquatique suffit pour créer des vaguelettes sur un lac d’eau claire. Tout semble en bonne voie. De retour au pays des drones, “Raspberry Girl” et surtout “Autumn” montre plus de carrure, notamment avec l’arrivée d’une guitare basse lymphatique qui tonne une fois tous les mille temps, donnant par là un renfort non négligeable de chaleur et de caractère à l’ensemble. Et là est le grand paradoxe de ce Let’s Make Better Mistakes Tomorrow: faire oublier la froideur et l’obscurité de son |uvre par le contre-jour et les appuis calorifiques de ses contours. “The Sketch” en la preuve vivante, lui qui fait intervenir quelques résidus électroniques sur un fond de modern classical désabusé, triste et troublant, chaud et pourtant piquant. Le reste ne déroge pas à la règle précitée et balade ses vents par la main, passant de l’Équateur à l’Alaska, rencontrant autant de courants tièdes que carrément glacials. L’uvre de Tomasz Bednarczyk est là comme la balance entre l’infini du drone ascensionnel, l’évasion du field recording et l’approche concrète d’une orchestration de type classique.
Finalement reprocher quelque chose de précis à Let’s Make Better Mistakes Tomorrow reviendrait à pointer du doigt l’approche constante du label, à savoir des disques courts (pas plus d’une quarantaine de minutes) pour des titres courts (ceux-ci dépassant rarement le cap des quatre minutes). Au-delà de cet écueil (qui n’en est pas réellement un), l’uvre polaire de Tomasz est un disque honnête et au demeurant réussi dans son ensemble. A découvrir.